Une inhabituelle mélodie chantée d'une voix grave se glissait en disparaissant dans les feuillages. Malgré sa voix légèrement rauque, l'être qui parcourait le sous-bois de l'une des pentes des montagnes ne laissait aucune fausse note s'élever d'entre ses lèvres grises.
- Just once, let me touch you ♪ Just once, let me kill you, my monster, dear beast ♪
Jusqu'à l'instant où l'humaine perçut une aura sauvage rôder autour d’elle. En ce milieu d’après-midi, les monstres faisaient souvent la sieste, au grand désespoir de la "Monsters Hunter", comme aimait se qualifier Razer. Ah, Razer Jahanoir... En voilà un personnage qui a fait parler de lui. Un peu trop, même, et pas dans les meilleurs termes. Malgré sa puissance, son statut d’élue et celui de présidente officielle de la nation Gaia, elle restait terriblement égoïste et indépendante. L’individualisme était de toute façon sa façon de penser le monde.
Bref.
Son inimitable sourire railleur apparut tandis que ses yeux vairons balayaient les buissons environnants avec une patience difficilement contenue : « Viens sale bête, viens… ». Alors que le frottement des feuillages s’approchait dangereusement, Razer leva lentement le bras pour le passer derrière son dos et presser le mécanisme qui tenait son imposante double épée. Un clic sec s’en éleva. Soudain, une gigantesque bête au poil hirsute bondit en rugissant sur l’humaine qui dégaina son arme. Alors que l’addanc lui assénait des coups de griffes, l’adolescente les paraît avec souplesse, tantôt les bloquant du plat de ses lames, tantôt en les esquivant avec rapidité. Mais après avoir dangereusement entaillé le museau du castor géant, elle ne put éviter un puissant coup de queue qui l’envoya contre un arbre. L’addanc n’attendit pas qu’elle se reprenne pour la charger. Son épée ayant glissé sur le sol poussiéreux, Razer gémit de frustration en ouvrant un œil, et tandis que la bête n’était plus qu’à quelques mètres, l’œil foncé de l’humaine devint aussi blanc que l’autre, puis un puissant éclair vint s’abattre sur l’addanc qui s’écroula sur place sous le tonnerre.
Redevenant vairon, l’adolescente se leva en se tenant la tête, s’épousseta et récupéra sa double épée cranté pour ensuite regarder le castor avec mépris. L'endroit touché par la foudre de la carcasse était noirci, mais le reste se trouvait aussi frais que s'il fut tué d'une arme blanche ordinaire. Se remettant à chantonner, la jeune Jahanoir entreprit de prélever d'importante pièces de viande d'addanc à l'aide d'un poignard en argent habituellement caché dans l'une de ses bottes. C'est les mains pleines de sang que l'humaine déposa les morceaux frais dans sa sacoche de cuir marron de laquelle émanait une désagréable odeur de sang séché. Faisant son étrange besogne, Razer surveillait les alentours avec les quelques facultés de son iris blanc. Qui dit carcasse du charognards et qui dit charognards dit prédateurs. Elle resta donc sur ses gardes.